Le climat doit-il être considéré comme une cause supérieure ?
6 idées à retenir de la table ronde à l'occasion de la rencontre participative "Science-Média"
Posté le 16 juin 2023Auteur·e·s
Aïcha Besser
Responsable Communication
CLIMACT
Expert·e·s
Prof. Oriane Sarrasin
SSP, UNIL
Le 8 juin dernier, 50 professionnels romands du monde académique et des médias se sont réunis lors de la 3ème rencontre participative organisée par CLIMACT.
La soirée s'est terminée par une table ronde pour mieux comprendre les besoins et les contraintes respectives des deux groupes et dessiner ensemble des pistes pour une meilleure collaboration.
6 points de réflexion:
1. La vulgarisation de la recherche scientifique : une approche à double tranchant
Oriane Sarrasin (UNIL): "Dans notre domaine, la vulgarisation n'est pas nécessairement quelque chose qui est valorisé et face à la simplification, les scientifiques craignent parfois le regard de leurs collègues quant à la crédibilité de leur travail."
Julia Steinberger (UNIL): "Les universités ont un historique élitiste, mais en réalité, nous sommes formés à rendre notre travail intelligible pour un public de dirigeants."
Marion Faliu (RTS): "C'est un mariage des contraires, vous cherchez à être précis, tandis que nous cherchons à faire comprendre aux gens ce que cela signifie réellement."
2. La télévision : des formats ultra-courts et des expert·es pas toujours disponibles ou suffisamment confiants
Marion Faliu (RTS): "En réalité, pour que les scientifiques arrivent jusqu’à nous au 19h30, c'est déjà un défi en soi. Nous disposons de personnes extrêmement compétentes, mais souvent les femmes nous redirigent vers d'autres collègues, même si elles possèdent les compétences requises".
Oriane Sarrasin (UNIL): "Pour s'exprimer dans les médias, il faut sortir de sa zone de confort. Même si l'on n'a pas publié des dizaines d'études sur la question, on a les connaissances nécessaires pour répondre en quelques phrases au 19h30. Cependant, il faut être flexible et prêt à se déplacer parfois jusqu'à Genève pour être disponible le soir même. Lorsqu'on dispose de 28 secondes, il est essentiel d’adapter son message, cela s'apprend."
3. La nécessité de traiter le sujet de manière concernante
Rachel Haübi (Heidi.News): "J'ai de moins en moins envie de me contenter de vulgariser les études scientifiques, mais plutôt de me questionner sur comment être concernant, moins abstrait et constructif pour les lecteurs. On a dépassé le constat du réchauffement climatique, il est temps de parler de solutions concrètes et d'assurer un suivi rigoureux et critique à travers un ancrage suisse."
Marion Faliu (RTS): "En tant que journaliste TV, c'est difficile, il faut captiver les gens très rapidement et il y a la fatigue informationnelle, donc on préfère traiter moins souvent, mais de manière plus approfondie."
Duc-Quang Nguyen (Le Temps): "Nous devons couvrir le sujet du climat sans lasser le lecteur et sans être alarmistes. Nous devons nous concentrer sur un journalisme de solutions, mais ce n'est pas toujours facile à vendre."
4. More research is needed. Really?
Julia Steinberger (UNIL): "Le positivisme scientifique nous dessert énormément. Nous ne sommes pas tenus d'arriver sur un plateau TV en exprimant encore des doutes et des marges d'erreur. Nous avons suffisamment d'éléments pour communiquer avec confiance nos conclusions. Nous n'avons pas à attendre d'atteindre un niveau de certitude de 99,9% avant de les partager. C'est ce que j'appelle le syndrome du 'more research is needed'."
5. Eviter à tout prix l’étiquette militante
Rachel Haübi (Heidi.News): "J'ai une relation de confiance avec les lecteur·ices, je ne suis pas là pour convaincre, mais pour maintenir ce lien. En tant que journaliste, nous avons très peur d'être qualifiés de militants, car cela nuirait au sens même de notre travail. Avant que le GIEC ne mentionne la sobriété énergétique, parler de décroissance dans les médias était un tabou."
Marion Faliu (RTS): "Je constate que la société considère les scientifiques comme appartenant à un camp. Le public ne considère plus la caution scientifique comme un fait acquis, il pense plutôt que les scientifiques disent la vérité qu'ils veulent bien dire."
6. Parler aux médias, c’est accepter de s’exposer
Marion Faliu (RTS): "Dans le contexte du COVID, nous avons adopté une approche didactique afin de répondre au maximum de questions. Cependant, ce n'était pas facile pour la climatologue qui est intervenue, car elle a dû faire face à une grande agressivité. Elle a fait cela en toute conscience, mais cela peut être effrayant, surtout sur des sujets aussi clivants."
Pour en apprendre plus sur la rencontre participative Science-Média, lire l'article précédent intitulé "Les journalistes se doivent de ne pas abandonner leur rôle critique, indépendamment de leurs affinités. "

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