Série de séminaires CLIMACT 2022-2023
CLIMACT Scholars
Génie civil

Maximiser la durabilité dans la construction: quelles stratégies adopter ?

Posté le 5 juil. 2023

Auteur·e·s

Aïcha Besser

Responsable Communication
CLIMACT

Expert·e·s

Dr.
Dr. Numa Bertola

ENAC, EPFL

Maximiser la durabilité dans la construction: quelles stratégies adopter ?

L'industrie de la construction joue un rôle important dans le façonnement de notre environnement bâti, mais elle contribue également à divers défis environnementaux. Face à l'urgence croissante de lutter contre le changement climatique et de préserver les ressources naturelles, il est essentiel de repenser les pratiques de construction traditionnelles et d'adopter des stratégies innovantes qui donnent la priorité à la durabilité. Cet article fait suite à un séminaire CLIMACT en vue d’approfondir les sujets abordés:

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Pourriez-vous donner des exemples de stratégies innovantes qui peuvent être employées pour maximiser la durabilité des bâtiments existants ? 

Dr. Numa Bertola: Les principaux processus de dégradation du béton armé, bois ou de l’acier nécessitent une présence d’eau. Il est donc primordial d’éviter que les éléments de structures soient en contact direct avec l’eau. C’est pourquoi, un revêtement est généralement disposé sur les bâtiments (toiture, façade,…) pour les protéger. Concernant les ponts, il est souvent impossible d’éviter le contact avec les intempéries. De plus, le dépôt de sels de déverglaçage en hiver catalyse les processus de dégradation. Ces ouvrages sont donc plus enclins à des dégradations dans le temps. Deux stratégies peuvent être implémentées afin d’augmenter de manière significative la durée de vie d’une structure :

  • Mesurer en temps réel le comportement de la structure avec des capteurs: ces outils permettent le suivi en temps réel de l’évolution du comportement de la structure (contre une inspection visuelle tous les 5 ans actuellement !) et donc de pouvoir intervenir avant que les dégradations ne soient trop importantes. Les données collectées par ce « monitoring » permettent souvent d’attester que la structure a des réserves de capacité portante et qu’elle peut donc être utilisée plus longtemps que prévu initialement.
  • Utiliser le composite cimentaire fibré ultra performant (CFUP) pour renforcer la structure : le CFUP est un nouveau matériau à la fois très résistant et imperméable qui a été en grande partie développé à l’EPFL. Une fine couche de CFUP (généralement entre 3 et 5 cm) sur la surface de béton exposée suffit pour la protéger mais aussi la renforcer. On peut ainsi réhabiliter des structures dégradées et prolonger leur durée d’utilisation car les processus de dégradations sont stoppés. En plus d’être bénéfique pour l’environnement grâce à la conservation de la structure existante, cette stratégie s’avère également économique  par rapport au remplacement de la structure. Ces qualités expliquent pourquoi cette technique commence à être utilisée à grande échelle en Suisse et de plus en plus à l’étranger. Le viaduc de Chillon ou plus récemment le viaduc de Riddes ont pu être sauvés grâce au CFUP.

Comment le concept de réutilisation des matériaux peut-il contribuer à une industrie de la construction plus durable ?

Dr. Numa Bertola: Actuellement, de nombreuses structures en béton en bon état sont démolies pour être remplacées par des projets plus « modernes ». Lors de la démolition, ces structures sont « croquées », c’est-à-dire qu’elles sont réduites en gravats avec une pince à béton. Elles retournent donc à l’état de « matière première ». L’ensemble des propriétés structurales ainsi que l’histoire de la structure sont perdus.  Ces gravats sont ensuite utilisés tels quels pour la sous-construction de route ou mélangés avec d’autres matériaux pour faire du béton recyclé. Cependant, ce processus est énergivore et le béton recyclé n’apporte pas de véritable réduction d’émission de CO2 par rapport à un béton conventionnel car il faut employer au moins tout autant de ciment. 

Le réemploi est une alternative beaucoup moins énergivore qui consiste à découper soigneusement la structure en grandes éléments plutôt que de la broyer. Des blocs ou des modules de bétons sont ainsi extraits et cela permet de conserver une grande partie des propriétés de la structure existante. Ces éléments de réemploi sont ensuite transportés et réassemblés dans une nouvelle structure, sans nécessiter de grandes transformations. La passerelle Re:Crete ainsi que le projet RebuilT sont deux exemples de structures en béton réemployé. On évite ainsi à la fois de générer des déchets et de produire des nouveaux matériaux. Les gains environnementaux sont donc sans équivoque. Grâce à la réutilisation des matériaux, il est possible de réduire jusqu’à 90 % l’impact environnemental de la solution conventionnelle de démolition-nouvelle construction.

Comment les nouvelles stratégies pour une construction plus durable améliorent-elles l'environnement existant tout en promouvant la conservation de l'environnement ?

Dr. Numa Bertola: Le béton à lui seul est responsable de 8.6 % des émissions de CO2 dans le monde et crée des stresses régionaux sur les ressources naturelles comme l’eau et le sable. Rien qu’en Suisse, environ 40 millions de tonnes de béton  sont consommées par an. Il est donc nécessaire de trouver des solutions rapidement pour réduire ces impacts. 

Les bâtiments démolis aujourd'hui en Suisse sont généralement en bonne condition structurelle et leur démolition est souvent le fruit d'opérations immobilières, par exemple de densification, ou reprogrammation. Pour réduire l’impact néfaste de la construction sur l’environnement, privilégier autant que possible la transformation de l’environnement bâti plutôt que la démolition puis reconstruction est essentiel. Les trois stratégies présentées (monitoring, CFUP, réemploi) permettent de mieux valoriser le patrimoine bâti existant et d’éviter de consommer inutilement des ressources. En préservant une structure existante, on sauvegarde son histoire ainsi que celles de ses usagers.

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