Série de séminaires CLIMACT 2022-2023
Comportement
Changements climatiques
Communication numérique

Le numérique, un choix de société compatible avec la transition écologique ?

Posté le 2 mai 2023

Expert·e·s

Johann Recordon

Chargé de projet
CCD, UNIL

Le numérique, un choix de société compatible avec la transition écologique ?

Ces cinq dernières années, les études et interpellations se sont multipliées sur l’impact environnemental et social du numérique. Face à l’urgence d’un retour au sein des limites planétaires, le Centre de compétences en durabilité (CCD) de l’UNIL a publié le résultat de son travail de compilation de la littérature sur le sujet, proposant des pistes afin d’appréhender les enjeux liés à la mobilisation des outils numériques dans les choix de société. Voici le résumé des trois axes clés retenus

(voir détails et sources dans le texte complet, disponible ici).

Premièrement, nous avons constaté qu’il est estimé que le numérique représentait 2-4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales en 2021, avec un taux de croissance de 6-9 % par an, pouvant amener à un doublement de son impact avant 2030. Considérant le besoin de réduire les émissions mondiales de 50 % d’ici 2030 et 95 % d’ici 2050, afin d’atteindre la neutralité carbone et respecter l’Accord de Paris, l’état actuel et anticipé du numérique au niveau mondial apparaît donc comme n’étant pas soutenable. Au niveau européen, grâce au cas bien documenté de la France, on constate que ce sont les terminaux utilisateurs (ordinateurs, téléphones, TV) qui sont la source de 79 % à 87 % des émissions (directes et indirectes) de GES et de la production de déchets. Dans une approche de sobriété numérique, c’est donc une réduction drastique de la demande en terminaux neufs qui est requise, ainsi que la limitation de la sur-disponibilité et des incitations à l’achat de nouveaux produits, tels que les objets connectés.

Deuxièmement, nous avons classés les avantages théoriquement offerts par le numérique en matière d’impact selon le modèle Avoid-Shift-Improve (ASI), amenant qu’un questionnement fondamental des besoins perçus et de la demande (Avoid) semble nécessaire au sein d’une société de consommation. Dans le cas d’étude que nous avons considéré, nous trouvons que le télétravail permettrait une économie de 60-90 % des émissions de GES liées au trajets pendulaires en voiture, mais que les transports publics et actifs demeurent les moins impactants lorsque la distance bureau-domicile est inférieure à 30 km (trolleybus) ou 100 km (train), aller-retour.

Troisièmement, nous avons élargi le périmètre d’analyse du cas d’étude et identifié au moins neuf mécanismes induisant un effet rebond, classés selon quatre types (microéconomique : effet direct et effet indirect, macroéconomique : effet de marché et effet-croissance). S’y ajoute, sur la base du modèle du Donut, au moins quatre types d’effets indésirables engendrés par le numérique (sur la santé physique et mentale, les conditions de travail, l’équité sociale, la biodiversité).

À la lumière de ces éléments, nous concluons qu’il apparaît essentiel de procéder à un examen extensif et rigoureux des effets délétères qui pourraient être engendrés par l’utilisation actuelle du numérique et, plus encore, par de futurs choix de déploiement de technologies qui lui sont liées. Les propositions pour une sobriété numérique au niveau sociétal semblent ainsi être l’axe de réflexion le plus fécond pour le futur. Parmi celles-ci, il est possible d’en citer déjà au moins quatre, sur la base de la littérature existante :

·       La réduction drastique de la demande en terminaux neufs, en allongeant par exemple leur durée de vie et en procédant à un dimensionnement correct de ceux-ci ;

·       La limitation de la sur-disponibilité et de l’incitation à l’achat de nouveaux produits, tels que les objets connectés (IoT) ;

·       La limitation de l’explosion du trafic de données, en évitant par exemple les vidéos en 4K-8K, ainsi qu’en réduisant le temps consacré aux écrans et le multitasking (p. ex. lorsqu’une personne consulte un réseau social sur son smartphone, tout en regardant la télévision) ;

·       Faire preuve de prudence lorsque des outils numériques sont considérés au niveau sociétal, notamment en prenant en compte leur multiples mécanismes d’effet rebond.

Le texte complet, contenant tous les chiffres et les sources, peut être consulté sur la page du CCD.

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Au sujet de l’auteur :

Johann Recordon est titulaire d'un Master en fondements et pratiques de la durabilité de l'Université de Lausanne (UNIL), ainsi que d'un Bachelor de l'École hôtelière de Lausanne (EHL). Iel a rejoint le Centre de Compétences en Durabilité (CCD) en 2020 et occupe actuellement le poste de chargé de projet au sein du Pôle Recherche. Précédemment, Johann a travaillé pendant quatre ans dans l'organisation de conférences et ateliers sur les thématiques liées à l'innovation technologique, entre Genève, San Francisco, Bangalore et Shanghai. Ses domaines de prédilection incluent les ontologies relationnelles, les plans climat, le numérique et l'entrepreneuriat.

Source de l'article: Johann Recordon, Le numérique, un choix de société compatible avec la transition écologique? Centre de compétences en durabilité (CCD), 2023

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