Espèces envahissantes
Qualité de l'eau

Lac Léman : Quand les citoyen·ne·s participent à la préservation de l'écosystème

Posté le 11 juil. 2024

Expert·e·s

Dr.
Dr. Natacha Tofield Pasche

Directrice opérationnelle du Limnology Center et ...
ENAC, EPFL

Lac Léman : Quand les citoyen·ne·s participent à la préservation de l'écosystème

Les changements climatiques affectent profondément l’écosystème du Léman, modifiant les conditions de vie pour de nombreuses espèces et perturbant les interactions au sein de la chaîne alimentaire. La plateforme LéXPLORE parie sur la participation citoyenne pour prédire l’évolution du lac.

Interview avec Natacha Tofield-Pasche, suite à son séminaire CLIMACT intitulé « La plateforme LéXPLORE pour évaluer les changements globaux sur le Léman », qui peut être revisionné ci-dessous.

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Pouvez-vous expliquer pourquoi la plateforme LéXPLORE révolutionne notre compréhension des impacts des changements climatiques sur le Léman ?

En fournissant espace de travail sécurisé et efficace, la plateforme LéXPLORE permet de collecter des données qui étaient auparavant inaccessibles. Il est maintenant possible de mesurer sur toute la colonne d’eau, en particulier la zone de surface, dans toutes les conditions climatiques et même pendant la nuit. Ceci est indispensable pour étudier les événements extrêmes.

Plusieurs équipes de chercheurs peuvent travailler simultanément, ce qui favorise les approches interdisciplinaires. De plus, la plateforme permet d'amener le laboratoire directement sur le lac pour des analyses innovantes.

Grâce aux nombreux capteurs submersibles installés sur LéXPLORE, de nombreuses données physico-chimiques sont collectées à haute fréquence temporelle et spatiale depuis 2019.

Ces données complètent parfaitement les données à long terme collectées par la CIPEL depuis 1963, qui montrent les tendances des changements climatiques. Les données à haute fréquence, quant à elles, permettent de modéliser les processus à une échelle de temps appropriée, afin de prédire l’évolution du lac selon différents scénarios.

Ainsi, notre compréhension des impacts des changements climatiques sur le Léman s’en trouve largement améliorée. Et mieux comprendre permet de mieux protéger le Léman.

Quels sont les principaux changements observés sur le Léman au cours des septante dernières années et comment ces changements affectent-ils l'écosystème du lac ?

Les principaux impacts du changement climatique observés sur le Léman incluent une augmentation de la température de l’eau, favorisant certains phytoplanctons et poissons au détriment d’autres, et influençant la phénologie des espèces (par exemple, la ponte des poissons). En effet, la température moyenne de l’eau de surface a augmenté d’environ 0,05°C par an, selon les mesures de la CIPEL. Cette augmentation de température réduit la fréquence des brassages complets du lac lors des hivers plus doux et prolonge la période de stratification du lac (séparation du lac en deux couches) au printemps et en automne.

L’absence de brassage complet depuis 2012 modifie la disponibilité des nutriments et de l’oxygène, ce qui perturbe la chaîne trophique. Le changement climatique a également des effets sur le bassin versant du Léman, notamment des modifications de la dynamique saisonnière des précipitations, des débits et donc des apports externes. Par exemple, l’augmentation des événements extrêmes peut engendrer des déversements non traités des stations d'épuration (STEP) dans le lac lors de pluies intenses, ou au contraire limiter l’apport en nutriments provenant du bassin versant en cas de sécheresse.

Comment la participation citoyenne à des projets comme Lémanscope contribue-t-elle à la recherche et à la sensibilisation sur les enjeux de la qualité de l'eau ?

Dans le projet Lémanscope (www.lemanscope.org), plus de 600 co-chercheur·euse·s bénévoles mesurent la couleur et la transparence du lac pour mieux comprendre les variations saisonnières de la qualité de l’eau sur l’ensemble du lac. En deux mois, plus de 700 mesures ont déjà été collectées, ce qui aurait été impossible sans les co-chercheurs. Ces données permettent de calibrer les données satellites afin de développer un modèle adapté au Léman pour surveiller la qualité de l’eau. Ainsi, les co-chercheur·euse·s contribuent directement à la recherche sur le Léman en collectant des observations scientifiques pertinentes pour surveiller les changements environnementaux.

Ce projet participatif est une collaboration entre l’Association pour la Sauvegarde du Léman, l’EPFL, l’Eawag et l’Unil. Son but est aussi de sensibiliser le public aux enjeux liés à la santé du lac et à l’importance de préserver sa qualité. Les citoyens peuvent en apprendre davantage sur la qualité de l'eau et le fonctionnement de leur lac. En conclusion, la participation active des citoyens et le dialogue entre les chercheur·euse·s et le public favorisent une compréhension plus profonde des enjeux liés à la santé du Léman, incitant ainsi à des actions concrètes pour sa préservation à long terme.

À votre avis, quelles sont les actions les plus urgentes à mettre en place pour protéger la qualité de l'eau et l'écosystème du Léman dans le futur ?

À votre avis, quelles sont les actions les plus urgentes à mettre en place pour protéger la qualité de l'eau et l'écosystème du Léman dans le futur ?

Il est important de souligner que le Léman fait face à plusieurs menaces simultanées, en plus du changement climatique. La croissance continue de la population dans le bassin versant entraîne une augmentation des apports en phosphates et en polluants, exerçant ainsi une pression accrue sur l'écosystème. La prolifération d'espèces invasives, notamment la moule Quagga, modifie le réseau trophique du lac et a déjà des répercussions économiques car elles obstruent des canalisations. Par ailleurs, la pollution par les micropolluants et les microplastiques, provenant de l'ensemble du bassin

versant, se concentre dans le lac et peut avoir des effets néfastes sur la santé de l'écosystème et des populations humaines.

D'autres actions pour mitiger ces impacts pourraient inclure la réduction supplémentaire de la pollution au phosphore afin de limiter la prolifération des algues, lesquelles entraînent une désoxygénation du lac, mais avec le risque de réduire les populations de poissons.

La gestion intégrée de la ressource en eau comme la création de villes éponges et l’augmentation des réseaux d’eau séparatifs) pourrait favoriser la protection du Léman

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Au sujet de l’experte :

Natacha Tofield-Pasche, Ingénieure en environnement, ENAC (EPFL).  Elle a une thèse en science aquatique et plus de 15 ans d’expérience dans le fonctionnement des lacs. Depuis 2013, elle a créé et gère le Centre de Limnologie à l’EPFL, où elle a coordonné trois programmes de recherche internationaux multidisciplinaires. Elle a conduit la construction et gère actuellement l’exploitation de la plateforme LéXPLORE.

Au sujet de CLIMACT :

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