Dans l’édition de 24 heures du 23 août 2023, quatre négateurs du changement climatique font part de leurs convictions personnelles au sujet du changement climatique. Cet article est une réaction à leur propos, signé par un collectif de chercheur·euse·s CLIMACT. Il a été publié également dans l'édition de 24 heures du 12 octobre 2023.
Les faits scientifiques ne sont pas des opinions. Des décennies de progrès dans la compréhension des processus atmosphériques et climatiques, de campagnes de mesures méthodiques et de vérifications scrupuleuses de tous les facteurs pouvant influencer le climat, ont conduit dès les années 1990 à un consensus extrêmement fort au sein de la communauté des sciences du climat au sujet de l’existence du changement climatique, de ses causes humaines et des dangers qu’il représente pour les sociétés et les écosystèmes naturels.
Ces connaissances, qui sont aujourd’hui des certitudes, sont le produit de longs processus de production et de validation des faits scientifiques, notamment via la revue par les pairs, c’est-à-dire des procédures de critique constructive et de contrôle mutuel des résultats entre spécialistes du domaine, dont la communauté comporte aujourd’hui des milliers de scientifiques.
Une étude de 2021 ayant passé en revue plus de 90'000 articles publiés dans la littérature scientifique depuis 2012 a montré que 99,9% d’entre eux confirment les origines humaines du changement climatique.
Dans l’édition de 24 heures du 23 août 2023, quatre négateurs du changement climatique autoproclamés “climatoréalistes” afin de donner une fausse impression de sérieux et de pragmatisme font part de leurs convictions personnelles au sujet du changement climatique, lesquelles entrent en contradiction avec le consensus scientifique. Cette interview comporte des stratégies rhétoriques typiques du climato-négationnisme et des discours anti-sciences en général.
Ces stratégies, abondamment documentées dans la littérature académique depuis longtemps, sont conçues pour semer le doute sur des consensus scientifiques très bien établis (changement climatique, mais aussi la théorie de l’évolution, les risques liés à la fumée passive et d’autres encore). Elles combinent souvent au sein d’un même discours de pures et simples contre-vérités avec des techniques de désinformation rendant le démêlage du vrai et du faux souvent impossible pour qui ne connaît pas le sujet, et visant en finalité à tromper le public.
Donner un faux sentiment d’expertise : les quatre personnes sollicitées pour l’interview sont annoncées uniquement par leur affiliation à des universités romandes. Pourtant, aucune d’entre elles n’a publié de recherches portant directement sur l’existence et les causes du changement climatique dans la littérature scientifique. Elles ne peuvent donc se prévaloir d'une expertise scientifique spécialisée sur le sujet, ni d'aucune légitimité à mettre en doute le consensus établi. Trois d’entre elles sont par ailleurs retraitées, dont deux depuis plus de 15 ans.
Stratégie de la minorité amplifiée : dans l’interview, ces personnes prétendent
s’appuyer sur un « large corpus de travaux publiés par des scientifiques
de haut niveau ». Que veulent dire « large corpus » et
« haut niveau » dans ce cas ? Et de quels types de scientifiques
parle-t-on ? Les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC),
ainsi que les études de consensus, montrent exactement le contraire. Les
positions climato-négationnistes sont
extrêmement minoritaires et se développent en marge des canaux de publication scientifique.
L’appel trompeur au bon sens et l’usage de déclarations vagues et simplificatrices, tels que « nous pourrons nous adapter », ce qui est clairement démenti dans le dernier rapport du GIEC, ou « le climat a toujours changé », ce qui omet de préciser que les causes, la vitesse et l’ampleur du changement actuel n’ont rien à voir avec les changements passés. Les conclusions du GIEC sont diamétralement opposées à ces propos.
De telles affirmations erronées sont extrêmement dommageables pour la lutte contre une des crises les plus sévères et les mieux documentées de notre temps. Elles doivent donc être prises pour ce qu'elles sont : l’avis personnel de quelques non-spécialistes isolés au sein de la communauté académique, et qui ne reflète en rien le consensus scientifique.
La production de connaissances
fiables est souvent le fruit de longs processus collaboratifs et la science n’a
pas toujours réponse à tout. Mais il est bien des questions sur lesquelles elle
fournit des faits extrêmement solides (l’héliocentrisme, la théorie de
l’évolution, la tectonique des plaques, le changement climatique, etc.). À leur
sujet, les divergences d’opinions personnelles comptent peu et constituent des
distractions regrettables étant donné l’urgence à mettre en œuvre des actions
pour limiter rapidement le changement climatique et ses effets néfastes. Le changement climatique est établi. Plutôt que de revenir sans cesse sur le constat, le débat public aurait aujourd’hui tout avantage à se concentrer sur les importants choix de société auxquels nous devons faire face aujourd’hui pour relever ce défi sans précédent.
Au sujet de l'auteur de l'article et des signataires:
Cet article a été rédigé par Dr. Augustin Fragnière, directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité à l'Université de Lausanne et signé par les chercheur·euse·s CLIMACT suivant·e·s:
Tom Beucler
, UNIL, Daniela Domeisen,
UNIL, Vivien
Fisch-Romito, UNIL, Antoine Guisan, UNIL, UNIL, Samuel
Jaccard, UNIL, Georgina
King, UNIL, Sascha Nick,
EPFL, Grégoire
Mariéthoz, UNIL, Nadav Peleg, UNIL, Marie-Elodie Perga, UNIL, Nicolas
Senn, Unisanté, Julia
Steinberger, UNIL, Philippe Thalmann,
EPFL
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