Pourquoi les panneaux solaires tardent à « fleurir » sur les toitures genevoises ? Ou pourquoi, au rythme actuel, il faudrait encore 311 ans pour atteindre le plein potentiel de production d’électricité solaire ?
Posté le 24 oct. 2022Auteur·e·s
Aïcha Besser
Responsable Communication
CLIMACT
Expert·e·s
Le point sur le projet Genèvoltaïque+ qui a pour objectif d’inverser cette tendance. Interview avec Jean-Pascal Gillig, Chargé d'affaires et responsable de section, WWF Genève.
Le WWF est porteur d’un nouveau projet intitulé « Genèvoltaïque+ », en partenariat avec CLIMACT, DSS+ et Terrasses sans frontières. De quoi il s’agit ?
JPG : A Genève, les conditions pour une transition énergétique sont en patrie réunies : le prix des panneaux solaires photovoltaïques (PV) a chuté de 80%, le retour sur investissement n’a jamais été aussi bas, le prix de rachat par SIG est plutôt bon, il n’y a plus vraiment de contraintes techniques, les démarches administratives se sont simplifiées, les conditions cadres et les subventions se sont améliorées. Alors pourquoi les PV tardent à « fleurir » sur les toitures genevoises ?
Cette question a été le point de départ de Genèvoltaïque+. Grâce à ce projet, nous voulons comprendre les obstacles actuels, identifier des modèles-clé de succès, mobiliser l’intelligence collective des acteurs de la filière et accompagner cinq grands propriétaires immobiliers pour finalement booster le PV sur les toits de Genève.
Pour concilier encore mieux les enjeux de la crise climatique et de la biodiversité, Genèvoltaïque+ a également comme objectif de faire pousser des vraies fleurs sur les toitures genevoises. C’est à ce titre que nous nous sommes entourés de Terrasse sans frontière et de l’HEPIA pour promouvoir le PV et le biosolaire (PV et végétalisation).
En tant qu’organisation de protection de la nature, pourquoi le WWF s’implique aujourd’hui en priorité dans la promotion de l’énergie solaire ?
JPG : En Suisse, l’énergie solaire est la solution de choix pour développer l’approvisionnement énergétique de manière soutenable pour l’environnement. Réutilisable à l'infini, abondante, respectueuse de l'environnement, elle est la meilleure solution pour aborder la crise climatique et la crise de la biodiversité tout en gagnant sur les deux tableaux.
La sobriété et l’efficacité sont certes la clé de voûte de la transition énergétique, mais on ne pourra pas se passer d’énergie. Utiliser les bâtiments et les infrastructures existantes pour préserver la nature et le paysage est essentiel et le potentiel est encore énorme. Près d'un tiers de la consommation d'énergie helvétique pourrait sans problème être couvert par l'énergie solaire. Or, aujourd'hui, sa production n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques.
Selon une étude que nous avions mené en 2020 avec Swiss Energy Planning, soutenue par SuisseEnergie et l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), la Suisse n’aura pleinement exploité son potentiel en matière de production d’électricité solaire sur les toits que dans 262 ans et dans 311 ans pour le canton de Genève. Ce dernier s’est fixé depuis des objectifs énergétiques ambitieux, dont notamment celui d’atteindre 350GWh d’ici 2030 de courant solaire.
Pour y arriver, il faudra installer 40 MWc/an, à savoir 5x plus que l’année 2020 et ce chaque année. On doit donc clairement changer d’échelle et arrêter de procrastiner.
On connait généralement le WWF plutôt dans un rôle de lobbyiste ou d’organisation qui recourt contre certains projets qu’il estime aller à l’encontre des intérêts climatiques suisses. En quoi le rôle du WWF est-il fondamentalement différent dans ce projet ?
JPG : Le levier d’action historique du WWF est d’ordre politique, mais l’urgence d’agir sur le terrain nous a amenés à nous questionner sur notre positionnement et l’expertise qu’on pouvait apporter dans des projets de ce type. Un des facteurs clé de succès pour permettre le déclenchement de projets ambitieux est l’instauration d’un climat de confiance entre les différents acteurs. Le WWF souhaite agir d’avantage en tant que facilitateur, en valorisant le fait d’être perçu comme un acteur de la société civile, indépendant à la fois des institutions publiques et des acteurs commerciaux.
Genèvoltaïque+ a pour objectif d’accélérer le solaire en toiture. A qui s’adresse ce projet et comment allez-vous procéder ?
JPG : Genèvoltaïque+ s’adresse à des propriétaires qui ne bénéficient pas d’incitation spécifique de l’Etat, avec des toitures offrant des potentiels entre 30 à 100 kWc. Dans cette fourchette de potentiel, on trouve typiquement des bâtiments industriels ou administratifs mais aussi des grands immeubles locatifs ou en PPE.
Pour susciter l’adhésion de ces grands propriétaires immobiliers, Genèvoltaïque+ propose de s’attaquer en priorité à des freins récurrents que nous avons pu identifier : 1) lever les fausses croyances et combler un manque de connaissance, 2) créer de la confiance en décloisonnant, en échangeant, en collaborant d’avantage, et 3) lutter contre la procrastination en provoquant le déclenchement par un accompagnement ciblé.
Les propriétaires s’engagent avec Genèvoltaïque+ sur une base volontaire. Cet aspect est primordial pour inciter le plus grand nombre. En offrant aux propriétaires des solutions viables et un cadre de confiance, cela suscite l’envie de « faire comme son voisin ». Les propriétaires ont l’opportunité d’être encadrés par une diversité d’acteurs complémentaires des milieux professionnels, académiques (dont CLIMACT) et étatiques, dans le but de garantir une expertise de qualité et un cadre de confiance. Et finalement La démarche proposée permet aux propriétaires de bénéficier d’un accompagnement sur mesure. Cet accompagnement comprend un screening du potentiel solaire et biosolaire (PV + végétalisation) du parc immobilier, des cahiers des charges permettant la mise en soumission pour un nombre défini de bâtiments, une information objective et un partage d’expérience avec d’autres propriétaires et des acteurs de la filières photovoltaïque, ainsi qu’une communication sur les projets réalisés.
Concrètement, quels sont les résultats tangibles que vous espérez ?
JPG : Concrètement, nous proposons une démarche d’accompagnement d’environ 5 grands propriétaires immobiliers – retenus pour la taille de leur parc et pour leur motivation – dans le but de trouver des modèles viables et directement applicables à une sélection de bâtiments de leur parc immobilier.
Nous souhaitons travailler avec ces propriétaires immobiliers de sorte que grâce aux solutions identifiées, ces derniers puissent faire le choix d’équiper une partie de leur parc immobilier en solaire photovoltaïque et en biosolaire dans les 5 prochaines années et communiquer publiquement ces objectifs quantitatifs. Si cette démarche porte ses fruits, l’expérience et les solutions pratiquées pourront aisément être répliquées par la suite avec d’autres propriétaires.
Jean-Pascal Gillig représente le secrétariat régional du WWF et est responsable de la section genevoise. Il a pour mission de développer des projets régionaux et locaux, de rédiger les prises de positions et les oppositions et de participer à diverses commissions.
Plus de détails sur le projet Genèvoltaïque+.
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